Par ses multiples perspectives – politiques, sociales et philosophiques – Constitution et lutte des classes s’adresse à un lectorat intéressé par le domaine des sciences humaines et sociales, qu’il soit «universitaire» ou plus large. Qu’il s’agisse des questions d’histoire sociale et politique, d’histoire du mouvement ouvrier, d’histoire des mouvements d’émancipation, ou encore des questions plus spécifiquement discutées dans le domaine de la philosophie sociale contemporaine, ce recueil nous semble pouvoir faire figure de futur «classique» redécouvert de la Théorie critique. Il nous semble à cet égard important d’en proposer une traduction pour le public francophone, afin d’imposer la figure d’Hans-Jürgen Krahl qui, aux côtés de celles d’Alfred Sohn-Rethel, Oskar Negt ou encore Moishe Postone, peut contribuer à une nouvelle appréhension de cette tradition de l’École de Francfort. Une nouvelle appréhensions qui peut différer de celle, plus traditionnelle et «canonique», représentée par des auteurs comme Jürgen Habermas ou Axel Honneth. 

Une traduction existe déjà en langue italienne, et une autre en langue anglaise est en préparation.

Le livre

La traduction du recueil d’essais et d’articles Constitution et lutte des classes de Hans-Jürgen Krahl (1943-1970) s’inscrit dans un contexte global de renouveau éditorial concernant la Théorie critique de l’École de Francfort – traduction des cours d’Adorno chez Payot et Klincksieck, des travaux d’Axel Honneth et de Jürgen Habermas chez Gallimard, correspondance entre Adorno et Kracauer au Bord de l’eau, etc. Or il nous semble que ce recueil constitue un document important susceptible de contribuer à la réception francophone de cette tradition : Hans-Jürgen Krahl fut en effet l’un des plus brillants élèves d’Adorno, et, en tant qu’animateur du mouvement étudiant de la fin des années soixante (porte-parole du SDS), a participé à l’élaboration d’un courant d’interprétation singulier de la Théorie critique quant  à l’attention qu’il porte aux différents mouvements de contestation et d’émancipation sociales de cette période. Des questions posées par les différentes luttes anti-impérialistes (Guerre du Vietnam, luttes de décolonisation) aux luttes anti-autoritaires, en passant par la discussion (plus spéculative) des différentes grandes figures de la pensée critique de l’époque (Adorno, Marcuse, Lefebvre, etc.), Constitution et lutte des classes s’impose comme un recueil de textes décisifs pour ce qui concerne tant l’historiographie de la théorie critique « francfortoise » plus spécifiquement envisagée, que l’histoire générale des idées politiques et sociales de cette séquence du tournant des années 60-70. 

Composé d’une trentaine de textes de longueurs variables, Constitution et luttes des classes se déploie selon trois principaux axes : 1°) Une série de textes dits d’intervention qui s’attachent à des questions d’ordre politique  2°) Des articles qui se rapportent à des thématiques liées aux questions socio-culturelles, à la critique des idéologies 3°) Des essais qui affrontent selon une perspective plus substantielle des questions d’ordre théorique et philosophique. Ces trois axes permettent de dresser le portrait d’un théoricien critique dont la trajectoire s’est avérée emblématique d’une certaine conjoncture historique, celle du moment « étudiant anti-autoritaire » qui s’exprime au travers de textes affrontant des problématiques aussi caractéristiques que celles d’une théorie du capitalisme tardif, de l’État autoritaire et des formes de domination et d’aliénation qu’il induit. A ce titre, c’est bien en s’inscrivant dans la filiation des travaux de Theodor W. Adorno, de Herbert Marcuse ou de Max Horkheimer que l’œuvre du jeune Krahl doit être comprise : la critique du monde social est bien la critique du rapport de domination, telle qu’elle peut se déployer sur les fronts de la théorie sociale, politique et philosophique. En effet, c’est en se familiarisant avec les prises de position pratiques du jeune Krahl contre la répression policière, contre le stalinisme et contre la guerre sanglante au Vietnam que l’on saisit l’enjeu des spéculations de l’auteur sur l’autoritarisme d’État, sur les crises économiques ou encore sur les thèses des grands théoriciens critiques de son temps comme Adorno ou Marcuse. Véritable leader de la mouvance dite « anti-autoritaire » de la Fédération socialiste des étudiants allemands, Hans-Jürgen Krahl accomplit, au cours d’une vie brève, deux gestes opposés. Le premier consista à infuser de nombreux concepts issus de la théorie critique d’Adorno dans les discours et les tactiques du mouvement étudiant. Le second revint à s’opposer frontalement à cette même institution universitaire : suite à la célèbre occupation étudiante de l’Institut de recherches sociales, Krahl se confronta en personne à Adorno lors d’un procès public.

Car c’est aussi en tant que document relatif aux théories et pratiques du « mai 68 » d’Allemagne de l’Ouest, au mouvement étudiant de la RFA des années 1960, que la traduction de Constitution et lutte de classe peut recouvrir tout son intérêt. Un document qui participe de ce fait à un regain d’intérêt éditorial pour ce qui a trait à l’histoire des luttes sociales et des mouvements d’émancipation.

L'auteur

Hans-Jürgen Krahl (1943-1970) était un militant étudiant allemand et élève du philosophe Theodor W. Adorno. Il joua un rôle important dans le grand mouvement étudiant de contestation de la deuxième moitié des années 60. Son action politique est considérée comme ayant eu une influence majeure pour ce qui concerne la gauche extra-parlementaire et "anti-autoritaire" de cette époque.

Pour ce qui concerne son travail philosophique, Krahl a proposé une interprétation du paradigme de la Théorie critique opposée à celle d'Habermas, et a en quelque sorte radicalisé certaines intuitions adorniennes en insistant sur leurs liens avec le modèle marxien. 

Ses articles, interventions théoriques et politiques, ainsi que ses ébauches sont parues dans l'ouvrage Konstitution und Klassenkampf (1971).

Le sommaire

• Préface
• Introduction
• Données personnelles
• Contribution à la logique de l’essence de l’analyse marxienne de la marchandise
• Remarques sur l’accumulation et la tendance à la crise du capital
• Théorie révolutionnaire et radicalité existentielle
• Ontologie et éros – de la déduction spéculative de l’homosexualité. Une esquisse lemmatique
• Sur Henri Lefèbvre
• Sur Herbert Marcuse
• Sur Karl Korsch: Marxisme et philosophie
• Contribution au débat à l’occasion du congrès Vietnam à Berlin-Ouest
• Le discours de Römerberg
• Notes sur Lénine : Que faire ?
• Sur Marx : Les luttes des classes en France
• Sur Lukács : Histoire et conscience de classe
• Sur Lénine: L’État et la révolution
• Sur Lénine: La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »)
• Extraits d’une discussion sur Lukács
• Contribution à la philosophie de l’histoire de l’État autoritaire
• Réponse à Jürgen Habermas
• La misère de la théorie critique d’un théoricien critique. Une réponse à Jürgen Habermas
• Autorités et révolution
• Sur la dialectique historique de la réforme poststalinienne en ČSSR
• Sur la réforme et la révolution
• Contribution à la critique de l’idéologie de la conscience antiautoritaire
• La contradiction politique de la théorie critique d’Adorno
• La Théorie critique et la pratique
• Cinq thèses sur « Herbert Marcuse, théoricien critique de l’émancipation »
• Sur la dialectique de la conscience antiautoritaire
• Sur le « marxisme-léninisme »
• Discours lors d‘un teach-in à l’occasion de l’élection du parlement étudiant au semestre d’hiver 1969/70
• Production et constitution
• Thèses sur le rapport général entre l’intelligence scientifique et la conscience de classe prolétaire
• Projet de programme pour la revue Hefte für Politische Ökonomie
• Projection et constitution
• Contributions extraites des protocoles de formation
• Production et lutte des classes

Où irons les gains?

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